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Blogue de Hélène Arsenault


jeudi 22 décembre 2011

Un souvenir de Noël


Aujourd’hui je me permets de recycler un texte parût l’an passé dans ma chronique du Sans papier de la Teluq. Il s'agit d'une histoire vécue, bien personnelle et riche en émotions. J’espère que vous aimerez.


Mon histoire commence un 22 décembre, par une journée froide et ensoleillée. Enceinte de 9 mois, et devant accoucher le 23, ça faisait bien trois semaines que j’avais des contractions occasionnelles mais très espacées, m’avertissant que le petit paquet cadeau arriverait probablement sous peu. Dans la journée du 22, je sens de plus en plus de contractions mais pour de courtes périodes, puis elles s’arrêtent. Je me dis «  c’est sûrement pour aujourd’hui ». Durant un bon douze heures, je reste à l’affut, je regarde l’horloge à chaque nouvelle série de contractions, note leurs durées et espacements, etc.

Bien qu’à la deuxième grossesse, je ne savais pas à quoi m’attendre, ayant été provoquée à la première. Je ne connaissais pas les étapes de travail habituelles, et j’ai été stressée toute la journée.

Le soir venu, toujours la même chose, petites séries de contractions toujours très irrégulières- 8-6-10 minutes- puis accalmies. Mon conjoint et moi nous consultons à l’heure du dodo : « Qu’est-ce qu’on fait? » Je décide finalement de l’envoyer se coucher, au moins qu’un de nous deux soit reposé un peu, tandis que j’irais prendre un bain pour voir si ça calmerait les contractions.

Je suis dans mon bain, avec quelques contractions toujours aussi irrégulières, lorsque ça commence à devenir plus douloureux. Je téléphone à l’hôpital au centre des naissances pour leur expliquer la situation, mais on m’assure que j’ai encore du temps. Néanmoins, j’insiste pour m’y rendre, puisque je trouve que les contractions deviennent de plus en plus douloureuses.

Branle-bas de combat- il est près de minuit à ce moment. On appelle grand-papa pour qu’il vienne garder notre grande qui fait dodo à côté, et alors que mon conjoint s’habille et attrape mon sac pour l’hôpital, moi j’enfile mon manteau d’hiver et mes bottes, puis incapable de rester debout, je m’installe dans ma chaise berçante en attendant mon beau-père, qui habite à une quinzaine de minutes de chez-nous. Les contractions sont toujours aussi irrégulières, mais très douloureuses.

Enfin beau-papa arrive! Je me lève aussitôt et me dirige avec empressement vers l’escalier pour me rendre à l’auto tandis que mon conjoint donne quelques consignes à son père, mais voilà qu’une bonne contraction m’attrape et la douleur me plie en deux, m’empêchant de bouger. Je m’agrippe à mon conjoint, sur le point de tomber dans les escaliers…puis ça passe. Ouf! Il est temps de partir. Je descends les escaliers pour aller m’assoir dans l’auto. J’ai hâte d’être installée à la salle d’accouchement de l’hôpital, sous surveillance médicale, et de pouvoir utiliser le bain à remous, le ballon d’exercice et la chaise de massage pour mieux faire passer le travail. Mais il était écrit dans les astres qu’il n’en serait rien.
                           
A peine arrivée au pied des escaliers, je sens une forte poussée entre les jambes, et j’ai l’impression que le bébé est en train de sortir. Sur le coup, je me couche par terre sur le tapis d’entrée insalubre. Mon conjoint accourt en m’entendant m’écrier : « Le bébé est en train de sortir! » Il ôte mon pantalon à la vitesse de l’éclair, et regarde mon entrejambe, consterné.

—Alors? Vois-tu la tête?
—Non, on dirait la poche des eaux! 
—Ah bon?
—J’appelle le 9-1-1.

Évidemment, dans cette position plus que précaire je ne peux plus me déplacer, même si tout est très calme entre les contractions et que je ne ressens aucune douleur. Tout se passe très vite dans ma tête : vais-je accoucher ici? dans une ambulance? ou à l’hôpital? Du moins, une chance que ce soit arrivé avant que je ne sorte de la maison, car j’aurais bien pu me retrouver à quatre pattes dans la neige, à la Émilie Bordeleau, ou encore affalée sur le siège de la voiture…Mon conjoint aurait été un peu distrait au volant quand même.

Il n’y a pas grand-chose à faire en attendant les ambulanciers. Au téléphone, on me conseille de ne pas pousser, conseil que je tente tant bien que mal de suivre. Mais quand même, lorsque les contractions arrivent c’est très douloureux et j’ai peur que le bébé sorte, juste là. Mon conjoint se tient près de moi et mon beau-père ne sait plus où se placer!      

Enfin on cogne à la porte : arrivent deux policiers, l’équipe d’urgence la plus proche pour venir nous donner un coup de main. L’équipe se compose d’une policière aguerrie et d’un novice qui se faufile le plus loin de moi possible, verdâtre, regardant n’importe où sauf vers la scène d’accouchement qui se déroule sous ses yeux. La policière se poste devant moi en déplaçant mon conjoint, qui lui remonte dans les escaliers, faute d’espace. Une personne au talkie-walkie lui donne des instructions pour qu’elle me les répète, bien inutilement, car j’entends tout de là où je me trouve.

—Dis à la madame que tout va bien aller! répète une voix dans l’appareil.
—Ça va bien aller Madame! dit la policière à mon adresse.
—Dis-lui de ne pas pousser.
—OK. Madame, ne poussez pas.
—Je fais mon possible! réponds-je, les dents serrées.

Se présente ensuite un superviseur des policiers, qui repousse mon conjoint un peu plus loin, s’accaparant l’espace alors qu’il tente de se rendre plus utile que les autres, en vain. Un peu plus tard (enfin!), les ambulanciers se pointent. À ce moment je me calme un peu, les vrais secours sont là. Vous comprendrez que je n’ai rien contre les policiers, mais vu la situation, j’avais besoin d’aide expérimentée. L’un des ambulanciers remplace la policière, qui elle monte dans les escaliers et fait remonter mon conjoint de plus belle. Je ne le vois plus, et personne n’a la présence d’esprit de lui demander s’il aimerait se rapprocher. M’enfin.

Le deuxième ambulancier entre et sort pour aller chercher du matériel, puis arrive encore un autre superviseur des ambulanciers. Il y a de la voiture devant chez nous ce soir-là!  En plus, je suis affalée sur le pallier de l’entrée split (environ six pieds par quatre, ça vous donne une idée!) alors je bloque partiellement la porte qui ne peut que s’entrouvrir pour laisser passer une personne à la fois, en plus d’un courant d’air polaire à -20°C. Les ambulanciers tentent de me déplacer sur une civière pour m’emmener dans l’ambulance, mais l’espace est trop restreint pour étendre la civière avec les escaliers qui bloquent les mouvements. Disons que j’aurais pu choisir mieux comme endroit pour m’écraser de tout mon long, mais encore, ça aurait pu être pire!

Mon conjoint s’aperçoit qu’une autre voiture de police est arrivée, on discute de la procédure à suivre pour nous accompagner à l’hôpital. Enfin, l’ambulancier qui prend les choses en main suggère de me transporter à bras dans une chaise en tissu. On installe le truc sous mon postérieur, en jetant une couverture sur moi pour me garder au chaud durant le déplacement. À ce moment, j’ai une autre contraction très violente, et ils doivent me reposer. Je m’écrie : « Oh mon Dieu! Le bébé arrive! »

Mais à la fin de la contraction, je me sens encore très sereine et calme, sans douleur aucune. J’ai senti une forte poussée lors de la contraction mais c’est fini.                                                                     

—On va devoir accoucher sur place, m’annonce l’ambulancier à la fin de ma contraction.
—Oh! Mais ça va maintenant, vous savez, je disais ça comme ça, on a sûrement le temps de se déplacer.

Accoucher là dans le palier d’entrée insalubre ne faisait pas du tout mon affaire!

—Madame, les femmes ont des enfants depuis toujours, si vous pensez qu’il arrive vous devez avoir raison.
—Mouais.

Tous se mobilisent ensuite pour m’installer un peu mieux là où je me trouve, et apportent du matériel qui pourrait être utile. L’ambulancier demande à mon conjoint de faire réchauffer des serviettes dans la sécheuse pour recevoir l’enfant, et tout autour de moi on discute, on entre et on sort, j’ignore tout ce qui se passe tant je suis concentrée sur ma propre situation. Tout ce qui me préoccupe entre les contractions, c’est ma petite fille de deux ans et demi qui dormait paisiblement un peu plus tôt dans sa chambre, tout près, mais qui a dû être réveillée par les cris effrayants de sa maman en travail. Je m’inquiète de son état d’esprit, et je demande à mon conjoint comment elle va. Il me rassure, mon beau-père reste avec elle, il lui tient compagnie et lui explique ce qui se passe, lui raconte des histoires, puisqu’elle ne peut plus dormir. Je me sens mieux qu’il soit là pour elle- et elle pour lui!  

L’ambulancier profite ensuite de mes contractions pour tenter de tirer sur la poche des eaux qui n’est pas encore crevée et qui lui bloque l’accès au bébé. Il tente d’introduire ses doigts lors de mes poussées pour trouver une prise, mais ça fait très mal. Je le lui dis.

—Mais qu’est-ce que vous faites là? Ça fait mal!
—Ça va, Madame, ça va.

Bon, je n’en tirerai rien. Il me fait mal mais j’ai confiance en ses compétences, il sait ce qu’il fait. Il s'agit une espèce de complication en obstétrique, et ça rend son travail plus ardu. On appelle ça naître coiffé, comme Napoléon paraît-il.

Maintenant que nous avons décidé de demeurer sur place, je peux enfin pousser à mon aise. Durant mes contractions, l’une de mes mains s’agrippe à une marche d’escalier tandis que l’autre attrape la chose la plus proche qu’elle trouve sur son chemin. Je réalise plus tard qu’il s’agit du mollet d’un des policiers qui se tient près de ma tête. Il me regarde et me dis d’une voix nerveuse : « Ne vous gênez pas Madame, je suis là pour ça! ». Je n’arrive pas à lui dire qu’il pourrait bien laisser la place à mon conjoint, je suis trop étourdie et dépassée par les événements. Comment se fait-il que personne ne pense à faire venir mon conjoint en haut des escaliers? Il y a simplement trop d’observateurs dans la maison. Dehors aussi.

Je pousse à peine et enfin, la poche des eaux crève et la tête peut sortir. L’ambulancier me lance : « Une dernière poussée, et les épaules passent. » C’est tout ce que je voulais savoir. Je pousse une dernière fois, et le miracle de la vie se produit.


Je prends une petite pause ici, c’est trop émouvant. Rien que de m’en rappeler, j’en ai encore les larmes aux yeux.

 
OK. Me revoilà.

Elle ne pleure pas, je suis inquiète. Je suis bien consciente que les conditions sont loin d’être idéales à un accouchement, et que l’ambulancier n’a pas sous la main les instruments qu’ont les hôpitaux pour nettoyer les voies respiratoires. Il utilise une pompe pour dégager les petits nez bouchés, mais j’ai l’impression que la respiration de mon bébé est heurtée. L’ambulancier se prononce sur le test Apgar : 9 puis 10. Tout va bien pour ma petite fille toute fripée .

Maélie est née à 2h18 un 23 décembre. Mon  conjoint est apparu pour couper le cordon puis il l’a prise dans ses bras et l’a emmenée pour la présenter à sa grande sœur, toujours dans sa chambre. C’est un moment que j’avais attendu avec impatience, lorsque mes deux enfants se rencontreraient enfin, mais je l’ai manqué! Ils sont ensuite revenus pour me voir, pour que ma grande fille constate que j’allais bien avant de partir pour l’hôpital. Moment d’émotion encore…

On a ensuite pu me transporter dans l’ambulance, puis on m’a remis mon précieux petit paquet enroulé dans une serviette chaude et une couverture thermique. Nous avons fait le chemin jusqu’à l’hôpital alors que papa nous suivait en voiture. Une fois arrivés, le médecin a pu extraire mon placenta, ce dont l’ambulancier n’était pas autorisé. On a nettoyé le bébé et revérifié son Apgar, mais tout allait bien.

Notre ainée est venue nous visiter à l’hôpital le soir du 23, et le 24 en après-midi, nous sortions pour célébrer le premier Noël de Maélie à la maison, là où elle est née. Je flottais tellement sur l’adrénaline que je n’ai pas fermé l’œil durant au moins cinq jours consécutifs. Tout compte fait, tout s’est bien passé; ce fut bref mais très intense, et j’ai reçu une aide précieuse de tous les intervenants qui ont fait de leur mieux. Fait cocasse, la policière première arrivée sur les lieux est repassée par chez nous l’an passé. Elle patrouillait et voulait prendre de nos nouvelles. Elle nous a confié en passant que son collègue aux mollets de fer en avait été plutôt traumatisé!

Désormais, je ne peux penser à Noël sans y associer la naissance très spéciale de ma petite fille, qui restera dans ma mémoire comme l’un des plus beaux souvenirs de ma vie.

Joyeuses fêtes!

   

samedi 10 décembre 2011

Exercice de persévérance

Au début de la saison automne 2011, j'avais annoncé ici un nouveau projet pour mes publications au journal Sans papier de la Teluq. Alors que l'an passé, à ma première expérience, j'écrivais mois après mois un peu n'importe quoi, ce qui me passait pas la tête ou ce qui me semblait un sujet important à traiter, cette année j'ai voulu faire différent. J'ai voulu en faire un exercice de continuité, de persévérance et de professionnalisme- de fiction aussi. Mais la formule choisie relevait également de la dernière minute! Et j'aime tant la dernière minute, sauf que ce n'est pas très professionnel.

Bref, je me suis lancée et j'ai commencé une nouvelle à suite, une partie par mois de plus ou moins 1000 mots. À la fin de l'histoire les lecteurs sont invités à voter sur les suites que je leur propose, question de garder un peu le contrôle sur mon histoire. Malgré tout ça a bien failli déraper une fois ou deux, lorsque les lecteurs se sont mis à me suggérer des suites que je n'envisageais pas, et sur lesquelles d'autres ont renchéris. C'est en gros très motivant et intéressant lorsque le lectorat participe à l'aventure, et j'ai pu découvrir ainsi de nouvelles personnes de ma connaissance qui lisaient mes aventures sans toutefois m'en faire part. Plusieurs ne viennent pas voter mais m'en parle de vive voix. C'est génial bref!

La difficulté relève surtout de la dernière minute, puisque je dois attendre d'avoir quelques votes avant de prendre une décision sur la suite des histoires et parfois improviser. Pour la prochaine publication du mois de janvier, nous devions en plus devancer la date de tombée des articles pour laisser le temps aux correctrices de faire leur travail avant Noël. Donc ce mois-ci, c'était encore plus serré.

Ça ne m'empêche pas d'adorer l'expérience. Ce que j'y ai découvert entre autre c'est que l'exercice est aussi un peu dangereux: lorsqu'on fait miroiter aux lecteurs que leur opinion compte, il faut ensuite livrer la marchandise pour leur faire plaisir au risque de les décevoir. Mais c'est minime, les gens qui viennent voter s'attendent bien à ce que leur vote ne soit pas toujours retenu. Et il n'y a pas des tonnes de votes, du moins publiés en ligne! Alors j'adore mon expérience, et même si ça me demande parfois de me creuser les méninges et de perdre le contrôle de mon histoire, c'est vraiment stimulant.

Pour les curieux venez y jeter un coup d'oeil: http://benhur.teluq.ca/wordpress/sanspapier/author/harsenault/

Je publierai l'intégral sur mon blog lorsque l'histoire sera terminée je crois.

vendredi 2 décembre 2011

Je l'ai fait!

Voilà, c'est fait, j'ai réussi mon nanowrimo pour la deuxième année de suite. Ça valait la peine de m'enfermer durant plus d'un mois, de prendre du retard dans mon cours universitaire, de refuser du temps supplémentaire, de m'isoler de ma famille et de mes proches pour écrire un nouveau roman? Pas sûre pantoute, mais je suis tout de même contente.

Voilà mon postmortem. D'abord, contrairement à l'an passé, j'ai eu du mal à me préparer. Quelques jours avant le début du Nano et je n'étais pas encore certaine de l'histoire que je tenterais d'écrire. J'avais une idée en tête mais je ne savais pas comment l'aborder, je la trouvais assez ordinaire, et je cherchais un angle d'attaque, en vain. Finalement j'y suis allée avec celle-là et j'ai juste commencé à écrire.

Pour moi depuis deux ans le mois de novembre, c'est le mois des bains. Lorsque je suis coincée dans une histoire, que je ne sais plus où aller, je prend un long bain chaud jusqu'à me ratatiner la peau d'un bout à l'autre, et souvent ça fonctionne très bien. J'en ai pris des bains en début novembre! Et puis à un certain point, disons passé les 20-25 000 mots, ça a cliqué quelque part dans mon cerveau, je savais ce que j'en ferais, et je n'ai plus eut d'hésitation par la suite ou presque.
J'ai adoré le processus qui m'a appris des choses nouvelles sur moi-même, j'ai progressé, surtout j'ai identifié d'importantes lacunes dans mon style, ma façon de concevoir le texte. À la fin, mon texte n'est peut-être pas récupérable, je n'en sais rien. Il faudra que j'attende d'avoir un peu de recul sur la chose, mais en gros c'est un fouillis total. J'aurais eu besoin de beaucoup pour faire de la recherche sur certains aspects de mon roman mais j'ai sauté par dessus et j'ai juste écris ce que je pensais, pour me rendre compte par la suite que parfois ça n'avait aucun sens. Mais tout cela peut se corriger par la suite, c'est le problème avec le Nano à mon avis: quantité pure et simple, sans tenir compte de la qualité. J'aurais aimé pouvoir concilier les deux comme l'an passé, ou je maîtrisais mon sujet et mon plan était fait, dans ma tête et sur papier. Cette année, j'inventais tout à mesure. Mais en même temps, vivre dans cette spontanéité au jour le jour a quelque chose d'euphorisant.

Oui ça a valut le coup mais j'ignore encore si les 50000 mots et quelques que j'ai tapé avec acharnement et discipline sur ce clavier-ci pourront jamais être lus, à moins d'un sérieux ménage. Le travail ne fait que commencer!

Bonne journée,

Hélène qui revient de loin (et de longtemps...)