D’emblée, j’ai été
surprise par les premières pages du livre qui décrivaient une exploration de
paléontologues en Antarctique. Les méthodes scientifiques utilisées me
semblaient plutôt invraisemblables. Qu’on découvre des géants de dix-sept
mètres préservés dans la glace, d’accord. Mais que du même coup on explique un
nombre effarant de mystères du monde par les vestiges de leur passage en ce
lieu, ça m’embêtait. Le livre partait dans tous les sens et là où se mêlaient
sciences, mythologie, croyances, spiritualité, visions du futur et fantastique,
avec la voix anthropomorphique de la terre, ça m’a refroidie. De plus, l’auteur
se montrait drôlement moralisateur. C’était gros, et difficile à gober. Les
énoncés trop nombreux me faisaient me questionner sur la rigueur scientifique
de l’auteur, qui pourtant, après vérification, fut journaliste scientifique
avant de devenir écrivain. Ce qui m’a incitée à douter, c’est l’accumulation des
libertés que Werber prenait avec tout le reste. Pourquoi pas avec la science,
un coup parti?
J’avais noté les points
qui m’intriguaient le plus et que je mettais en doute, mais après quelques
recherches, j’ai été surprise. Outre l’utilisation de méthodes et de matériel
trop sophistiqué non adapté à leur usage sur le terrain (surtout en passant du climat
subarctique à la jungle), j’ai découvert que certaines informations que je
croyais erronées s'avéraient véridiques. Ce n’était que leur présentation qui m'entraînait
vers une fausse piste, qui m’agaçait. Par exemple, Werber mentionne la bactérie
Yersina pestis ayant causé la peste.
À un point, il parle de « bacille », alors qu’il n’a pas précisé qu’il
s’agit de cette classe de bactérie. Pour certaines personnes, ça aurait pu
passer inaperçu, mais je me suis aussitôt demandé s’il s’agissait réellement
d’un bacille où s’il utilisait ce terme à tort et à travers. Après
vérification, je confirme qu’il avait raison, mais dans le texte le mot était
utilisé comme un synonyme de bactérie, ce qui aurait pu s'avérer fautif. J’apprends
donc quelque chose. De même, il mentionne que la grippe espagnole était de
nature « A-H1N1 », tout comme le virus de l’influenza responsable de
la pandémie de 2009. Vérification faite, c’est bien le cas, même si ça me
semblait peu probable. Voila comment il m’a fait douter, page après page, de la
véracité de nombreux énoncés scientifiques sans réelle importance, donc c’était
fichtrement agaçant pour moi.
Et puis il y a des
trucs carrément tirés par les cheveux qui ne nécessitent aucune vérification,
mais au moins là on sait qu’on nage en pleine fiction. Comme ce groupe de
biologistes travaillant à la production de microhumains de 17 cm de haut,
qu’ils arriveront à créer en laboratoire en faisant pondre des mammifères. Oui
pondre, il s'agirait de la voie du futur. Ils commenceront par un lapin- et
voilà un autre mythe de confirmé, le lapin de Pâques a vu le jour!- pour
ensuite passer au singe, en mélangeant de l’ADN d’une pygmée à celui de l’homme
le plus petit de la terre (une cinquantaine de cm je crois). Parce qu’entre 50
et 17 cm, il n’y a qu’un pas (ah que je me trouve drôle!). Tout cela après
quelques manipulations génétiques qu’on explique peu, mais qui sonnent toujours
aussi invraisemblables, mais bon, nous évoluons dans un monde fictif, n’est-ce
pas? D’où mon billet
récent sur les devoirs de l’auteur de l’imaginaire. Moi ça m’a perdue comme
lectrice, en tout cas. Parce qu’en fiction tout est permis, mais ça doit rester
plausible et explicable, ce qui n’est pas vérifié ici. Et je ne vous parle même
pas des personnages unidimensionnels, on repassera, oui.
Ce que j’ai sans doute
le moins aimé, ce sont les opinions de l’auteur insérées çà et là sans trop de
subtilité. Les scientifiques, devant contrôler leur population grandissante de microhumains,
trouvent la solution idéale : la religion. Ils deviendront évidemment des
dieux, parce que « La religion a été créée pour calmer les tribus les plus
féroces. C’est avant tout un outil d’ordre et de pouvoir pour influencer les esprits
les plus influençables. » Et voilà, tout est dit. Personnellement, je
trouve l’excuse un peu facile et peu élaborée, on se moque des religions tout
en reproduisant toutes les erreurs qui leur incombent, sans proposer de
meilleures solutions pour inculquer de l’ordre et des principes moraux à des
êtres pensants. Mais pis encore: après des centaines de pages d’acharnement, on
se dit qu’au moins, on sera passé à travers sans abandonner, pour arriver à la
dernière page sur ces mots :
Fin du tome I.
(Imaginez Hélène qui s’arrache
les cheveux). Bref, je m’attendais à mieux, et cette lecture ne m’incite pas à
retourner dans l’imaginaire de Bernard
Werber, malgré la bonne volonté. Toutefois, je demeure ouverte à découvrir
d’autres de ses publications qu’on pourrait me recommander, si jamais j’ai un
petit trou dans mon horaire de lecture (mais pas six cents pages, de grâce!).
Si tu veux lire du bon Werber, il faut lire "Les fourmis". Les suites sont également bien, même si on y retrouve la même vision marxiste franchouillarde où religion = opium du peuple.
RépondreSupprimerMon chum adore "les Thanatonautes", même si moi il me laisse plutôt froide. Les suites de ce roman-là sont carrément insupportables (un resucé cheap de la mythologie grecque).
Le reste de Werber, c'est exactement ce que tu as lu : quelques faits exacts, un paquet de faits tellement étonnants qu'on pense que c'est de la fiction et des inventions moins étonnantes que ces bribes de réalité, ce qui fait qu'on ne sait plus tôt ce qui est de la SF et ce qui est du réel. Au final, me semble qu'on se retrouve avec un magma qui exploite la science et qui fait plus de désinformation que de vulgarisation.
Dommage. Parce que "les Fourmis", c'était hot. :)
@Gen: merci, ça m'éclaire! Dommage en effet parce que beaucoup de gens m'ont parlé de "Les fourmis", mais puisqu'il est toujours l'un des écrivains Français les plus lus, je croyais que la qualité se maintenait. Pas le cas, il semblerait.
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