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Blogue de Hélène Arsenault


vendredi 14 juin 2013

Troisième humanité de Bernard Werber

J’ai entrepris la lecture de Troisième humanité avec beaucoup d’enthousiasme, parce que je n’avais jamais lu Bernard Werber et que je voulais vraiment le découvrir. Je pourrais vous dire que j’ai été déçue, que je n’ai pas beaucoup aimé le livre, mais là n’est pas la question. La vraie question c’est : pourquoi?

D’emblée, j’ai été surprise par les premières pages du livre qui décrivaient une exploration de paléontologues en Antarctique. Les méthodes scientifiques utilisées me semblaient plutôt invraisemblables. Qu’on découvre des géants de dix-sept mètres préservés dans la glace, d’accord. Mais que du même coup on explique un nombre effarant de mystères du monde par les vestiges de leur passage en ce lieu, ça m’embêtait. Le livre partait dans tous les sens et là où se mêlaient sciences, mythologie, croyances, spiritualité, visions du futur et fantastique, avec la voix anthropomorphique de la terre, ça m’a refroidie. De plus, l’auteur se montrait drôlement moralisateur. C’était gros, et difficile à gober. Les énoncés trop nombreux me faisaient me questionner sur la rigueur scientifique de l’auteur, qui pourtant, après vérification, fut journaliste scientifique avant de devenir écrivain. Ce qui m’a incitée à douter, c’est l’accumulation des libertés que Werber prenait avec tout le reste. Pourquoi pas avec la science, un coup parti?

J’avais noté les points qui m’intriguaient le plus et que je mettais en doute, mais après quelques recherches, j’ai été surprise. Outre l’utilisation de méthodes et de matériel trop sophistiqué non adapté à leur usage sur le terrain (surtout en passant du climat subarctique à la jungle), j’ai découvert que certaines informations que je croyais erronées s'avéraient véridiques. Ce n’était que leur présentation qui m'entraînait vers une fausse piste, qui m’agaçait. Par exemple, Werber mentionne la bactérie Yersina pestis ayant causé la peste. À un point, il parle de « bacille », alors qu’il n’a pas précisé qu’il s’agit de cette classe de bactérie. Pour certaines personnes, ça aurait pu passer inaperçu, mais je me suis aussitôt demandé s’il s’agissait réellement d’un bacille où s’il utilisait ce terme à tort et à travers. Après vérification, je confirme qu’il avait raison, mais dans le texte le mot était utilisé comme un synonyme de bactérie, ce qui aurait pu s'avérer fautif. J’apprends donc quelque chose. De même, il mentionne que la grippe espagnole était de nature « A-H1N1 », tout comme le virus de l’influenza responsable de la pandémie de 2009. Vérification faite, c’est bien le cas, même si ça me semblait peu probable. Voila comment il m’a fait douter, page après page, de la véracité de nombreux énoncés scientifiques sans réelle importance, donc c’était fichtrement agaçant pour moi.

Et puis il y a des trucs carrément tirés par les cheveux qui ne nécessitent aucune vérification, mais au moins là on sait qu’on nage en pleine fiction. Comme ce groupe de biologistes travaillant à la production de microhumains de 17 cm de haut, qu’ils arriveront à créer en laboratoire en faisant pondre des mammifères. Oui pondre, il s'agirait de la voie du futur. Ils commenceront par un lapin- et voilà un autre mythe de confirmé, le lapin de Pâques a vu le jour!- pour ensuite passer au singe, en mélangeant de l’ADN d’une pygmée à celui de l’homme le plus petit de la terre (une cinquantaine de cm je crois). Parce qu’entre 50 et 17 cm, il n’y a qu’un pas (ah que je me trouve drôle!). Tout cela après quelques manipulations génétiques qu’on explique peu, mais qui sonnent toujours aussi invraisemblables, mais bon, nous évoluons dans un monde fictif, n’est-ce pas? D’où mon billet récent sur les devoirs de l’auteur de l’imaginaire. Moi ça m’a perdue comme lectrice, en tout cas. Parce qu’en fiction tout est permis, mais ça doit rester plausible et explicable, ce qui n’est pas vérifié ici. Et je ne vous parle même pas des personnages unidimensionnels, on repassera, oui.

Ce que j’ai sans doute le moins aimé, ce sont les opinions de l’auteur insérées çà et là sans trop de subtilité. Les scientifiques, devant contrôler leur population grandissante de microhumains, trouvent la solution idéale : la religion. Ils deviendront évidemment des dieux, parce que « La religion a été créée pour calmer les tribus les plus féroces. C’est avant tout un outil d’ordre et de pouvoir pour influencer les esprits les plus influençables. » Et voilà, tout est dit. Personnellement, je trouve l’excuse un peu facile et peu élaborée, on se moque des religions tout en reproduisant toutes les erreurs qui leur incombent, sans proposer de meilleures solutions pour inculquer de l’ordre et des principes moraux à des êtres pensants. Mais pis encore: après des centaines de pages d’acharnement, on se dit qu’au moins, on sera passé à travers sans abandonner, pour arriver à la dernière page sur ces mots :

Fin du tome I.

(Imaginez Hélène qui s’arrache les cheveux). Bref, je m’attendais à mieux, et cette lecture ne m’incite pas à retourner dans l’imaginaire de Bernard Werber, malgré la bonne volonté. Toutefois, je demeure ouverte à découvrir d’autres de ses publications qu’on pourrait me recommander, si jamais j’ai un petit trou dans mon horaire de lecture (mais pas six cents pages, de grâce!).


2 commentaires:

  1. Si tu veux lire du bon Werber, il faut lire "Les fourmis". Les suites sont également bien, même si on y retrouve la même vision marxiste franchouillarde où religion = opium du peuple.

    Mon chum adore "les Thanatonautes", même si moi il me laisse plutôt froide. Les suites de ce roman-là sont carrément insupportables (un resucé cheap de la mythologie grecque).

    Le reste de Werber, c'est exactement ce que tu as lu : quelques faits exacts, un paquet de faits tellement étonnants qu'on pense que c'est de la fiction et des inventions moins étonnantes que ces bribes de réalité, ce qui fait qu'on ne sait plus tôt ce qui est de la SF et ce qui est du réel. Au final, me semble qu'on se retrouve avec un magma qui exploite la science et qui fait plus de désinformation que de vulgarisation.

    Dommage. Parce que "les Fourmis", c'était hot. :)

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  2. @Gen: merci, ça m'éclaire! Dommage en effet parce que beaucoup de gens m'ont parlé de "Les fourmis", mais puisqu'il est toujours l'un des écrivains Français les plus lus, je croyais que la qualité se maintenait. Pas le cas, il semblerait.

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