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Blogue de Hélène Arsenault


mercredi 31 octobre 2012

Vieux, c’est à quel âge?

J’attendais dans la file du casse-croûte pas du tout santé et la dame âgée juste devant moi passait sa commande. Après la troisième fois qu’elle demandait à la caissière de répéter les choix au menu, elle finit par s’excuser à la dame en jouant les vieilles femmes gâteuses. « Que voulez-vous, j’ai soixante-quinze ans, à mon âge on ralenti, je ne suis plus aussi vite qu’avant » nous sert-elle, moi comprise alors qu’elle se retourne pour juger de l’effet de sa pointe d’humour. J’ai enfin la chance de l’observer davantage, alors que je ne voyais que son dos auparavant. Avouez qu’une déclaration comme celle-là donne d’emblée  le droit d’évaluer les preuves à l’appui sans scrupules. Cheveux gris épars et clairsemés, épaules voûtées, vêtements négligés, peau fripée et surtout multiples taches pigmentaires me laissaient croire qu’elle faisait son âge. La surprise est venue de derrière le comptoir. Alors que la caissière restait bien sagement à son tabouret et annonçait les commandes à sa collègue « Une poutine, un steamé pis une canette de Coke pour apporter! », cette dernière courait de part et d’autre de la cantine pour préparer les plateaux, sans s’arrêter une minute pour souffler. En entendant l’énoncé de la cliente concernant son âge, elle s’est arrêtée brusquement devant le guichet.

« Moi aussi j’ai soixante-quinze ans et je suis toujours aussi vite! » Et paf, sur cette déclaration-choc elle nous laisse tous pantois pour vaquer à ses activités, comme une Speedy Gonzales sur l’amphétamine.   

De nouveau j’observe la nouvelle venue dans mon champ de vision : toute menue, courte, débordante d’énergie, sautant de gauche à droite avec ses espadrilles, son filet à cheveux ne l’avantageant pas, mais, somme toute une femme à qui on n’aurait pas donné plus de soixante ans. Certes, son visage portait les marques du temps, tout en rides, mais des rides d’expressions surtout, et moins profondes que celles que je venais de détailler, sans taches brunes à l’horizon. Voilà que je me retrouvais face à deux femmes de soixante-quinze ans dont l’une était plus jeune que l’autre! Quel désarroi!

Je me suis mise à réfléchir sur la conception de la vieillesse. Si j’ai compris une chose avec le temps, c’est qu’il n’y a pas d’âge universel pour être vieux. Demander à l’homme de quatre-vingt-dix ans, il vous dira qu’il est encore jeune comparé à l’autre qui vient de fêter ses cent ans! Quand on se compare, on se console, me direz-vous? Mais ce n’est pas encore ça.

Je me rappelle que toute petite, mes amis et moi jouions aux grandes, et mon âge préféré à l’époque c’était seize ans. Il me semblait que tout serait possible à seize ans, tout en restant confortablement protégée dans le cocon familial. Lorsque j’ai eu seize ans, je n’ai plus beaucoup pensé à vieillir pour un long moment. Mais à l’université, lorsque j’ai décidé de poursuivre à la maîtrise, j’ai accepté à un point que ma carrière prendrait son essor dans la trentaine, puisque ma vingtaine serait consacrée à mes études. Je ne me voyais pas me marier ou avoir des enfants à ce moment, pas moi. Lorsque j’ai eu trente ans, j’avais même l’impression d’approcher du but, de la femme accomplie que je deviendrais. Quelques-unes de mes amies ont déprimé, il a fallu les sortir, se saouler, dégriser dans un SPA tout un week-end. Bref, tout étant relatif, j’avais déjà noté la divergence de perception entre ces amies et moi sur nos âges respectifs. Pourtant je me disais : venu quarante ans, là je vais commencer à me sentir vieille. Mais non! Ça n’a rien à voir. Aujourd’hui j’arrive même à concevoir que peu importe l’âge physique, c’est dans le cœur que ça se passe, et dans la tête aussi, et j’ajouterai que le cas de la préposée à la cafétéria m’a fait réaliser que l’activité continue garde jeune et en santé également. Alors aussi longtemps que je trouverai de quoi m’occuper, je resterai jeune, et le physique suivra. Et puisque j’écris pour m’amuser, je ne manquerai jamais de travail. C’est-ti pas beau la vie?

4 commentaires:

  1. Ayant une grand-maman de 90 ans qui est dans une forme impressionnante (mais qui est limitée dans ses activités depuis quelques années parce qu'elle a beaucoup perdu d'acuité visuelle), je suis tout à fait d'accord avec toi : l'âge, c'est dans la tête.

    Je pense que le secret, c'est de ne pas ralentir plus que nécessaire. Il faut respecter son corps et ses bobos, mais sans devenir trop indulgent envers soi-même. Faut se garder en forme intellectuellement et physiquement. Comme ça peut importe jusqu'à quel âge on vivra, on en profitera à fond! :)

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  2. Ouch! Cette scène me saisit.

    Quand on agit comme un vieux...

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  3. Ouais, ben, je peux vous dire que c'est plus facile à penser qu'à réaliser. Y a pas de cause à effet, pas automatique, pas tout le temps, pas directement, pas aussi évident. Parce que c'est relatif la forme, aussi relatif que la définition de "vieux". On peut être en forme, penser l'être, on peut se penser jeune, à l'abri de la vieillesse parce que notre mère ceci et notre père cela, rien n'est écrit à l'avance.
    C'est comme le yogourt, il n'y a pas un jour où tu es passée de jeune à vieille. La vie continue, tout simplement.
    Promis, je ne dirai pas que vous (toi et les personnes qui commentent) êtes jeunes, si vous ne dites pas que je suis vieille!

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  4. @Gen: En effet, se garder actif physiquement et mentalement, ça aide (jusqu'à un point, s'entend). Mais c'est l'attitude qui importe.
    @Pat: L'âge est un sujet difficile pour plusieurs, surtout si le corps ne suit pas. Mais je pensais surtout à tous ceux que je connais qui anticipaient avec horreur l'arrivée d'un certain âge, sans fondement.
    @ClaudeL: Je suis bien d'accord avec toi, c'est relatif et la génétique y joue pour beaucoup-et ce n'est que les aspects physiques. Ma mère représente l'une de ces femmes, mon père l'autre. Je dois bien avoir mon mot à dire sur la suite des choses, tout n'est pas que programmation à la conception. Du moins, je choisis de le croire. Et je te trouve très jeune d'esprit!

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