Elle en a bavé, celle
fille. Elle a bûché pour se rendre où elle en est maintenant, et ce n’est pas
fini. À force de nous côtoyer au quotidien, elle s’est confiée à moi petit à
petit. Elle a longtemps évolué dans l’univers de la drogue, ou devrais-je dire
dévolué, ce serait plus à propos. Puis un jour, elle a rencontré un homme qui
l’aimerait, peu importe ce qu’elle lui ferait subir, qui l’acceptait, elle,
dans l’état où il l’avait trouvée sans poser de questions. Elle a eu du mal à
accepter cet amour inconditionnel, elle a voulu le quitter, certaine de lui
gâcher la vie, mais il ne le lui a pas permis. Puis le petit miracle est
arrivé.
La junkie est tombée
enceinte. Aussitôt qu’elle l’a su, elle s’est reprise en main et a cessé de
consommer. L’amour qu’elle ressentait déjà pour ce petit être la portait à
devenir une meilleure personne. L’amour pour son conjoint l’a aidée à tenir bon
et à tout mettre en oeuvre pour lui donner un bébé en bonne santé. Angoissée, elle
a cherché de l’aide pour passer à travers ses épreuves, et l’a trouvée sous de
multiples formes. Beaucoup d’inconnus l’ont encouragée, l’on soutenue dans les
périodes difficiles, mais pas sa famille immédiate qui lui répétait que son
bébé subirait des séquelles de ses traitements à la méthadone.
Le petit garçon est né
en bonne santé, à la grande joie des parents. Bien sûr, certains intervenants
ont voulu vérifier qu’elle agissait en bonne mère, sont venus la juger chez
elle et témoigner de ses bons soins. Mais elle a tenu bon. En allaitant son
bébé, elle poursuivait ses efforts pour garder son corps exempt de toute
substance pouvant lui nuire.
Lorsque je l’ai
connue, elle allaitait toujours son enfant bien qu'il ait commencé la garderie,
et elle cherchait du travail. La santé de mon amie laissait à désirer, elle
manquait souvent des jours de travail, n’avait aucune concentration et
accumulait les erreurs, que je m’évertuais à corriger. Même si elle m’en a fait
voir de toutes les couleurs, je tentais de me mettre à sa place et je
comprenais qu’elle faisait de son mieux, c’est tout ce qui comptait.
Régulièrement, elle me
disait combien mon soutien lui importait, c’est une personne très expansive qui
n’est pas avare de compliments. Elle me répondait « oui maman » à la
blague lorsque je lui donnais des directives, et je la considérais presque
comme ma fille, dans un sens.
Nous la soutenions
toutes, mes collègues et moi, mais j’avais plus d’opportunité que les autres de
recevoir ses confidences, aussi ça m’a chavirée lorsqu’un matin, elle m’a
annoncé, penaude, qu’elle avait rechuté la veille- bien sûr, elle n’allaitait
plus.
J’ai été très déçue. Il
faut dire qu’elle avait subi plusieurs fausses couches qui l’avaient menée pas
loin de la dépression, la rendant plus vulnérable que jamais. Et puis j’ai
compris que nous côtoyer lui apportait autant de pression que de soutien. Elle
nous regardait comme des modèles, et se dénigrait constamment comme si elle
n’arriverait jamais à se montrer une bonne mère. Ça me faisait mal de savoir
qu’elle se comparait, sans avoir le recul nécessaire pour le faire. Il y a
toujours quelqu’un de mieux, et quelqu’un de pire, libre à nous de choisir nos modèles,
mais sans se frapper sur la tête.
Nous nous sommes
perdues de vue, mais dernièrement j’ai reçu sa visite. Elle a déménagé dans un
endroit où elle connaît peu de gens, mais qui s'avère plus sain pour elle et sa
famille. Son fils grandit merveilleusement, son amoureux a décroché un bon
travail dans son domaine et pour couronner le tout, elle attend un nouveau bébé.
Lorsque je l’ai vue avec son bedon tout rebondit, l’air radieux et surtout le
visage serein, j’ai su que pour elle, le plus dur se trouvait derrière. Elle se
tient loin des drogues depuis avant sa grossesse, et je prévois qu’encore par
amour pour son enfant à venir, elle maintiendra le tempo encore longtemps,
puisqu’elle va à nouveau allaiter. Elle semble presque sortie du bois, et je
suis très fière d’elle pour tout le chemin qu’elle a parcouru.
Elle a appris qu’en prenant
soin d’elle, elle pourrait mieux s’occuper des siens, et par-dessus tout, elle et
son conjoint ont su démontrer à tous le pouvoir de l’amour.
Wow ! Quelle histoire inspirante !
RépondreSupprimerLa vie de certaines personnes est tellement difficile qu'elle demande une dose de courage inimaginable. L'Amour reste souvent la meilleure arme, ton billet le souligne avec beaucoup d'efficacité. :)
@Sylvie: en effet, c'est ce qui permet de s'accrocher dans les moments difficiles, selon moi. Je me souviendrai de cette leçon de grand courage.
RépondreSupprimerInspirant... et foutrement bien raconté.
RépondreSupprimer@Pat: Ah, venant de toi ça me touche! Merci.
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