Ça a commencé par une
discussion animée au travail. J’expliquais à une collègue combien la pseudoscience
sans fondement me faisait décrocher dans les œuvres de fiction en général, en science-fiction
surtout. Ma collègue s’en est offusquée : selon elle, l’auteur de science-fiction
à tous les droits, il peut bien inventer ce qu’il veut. Mais non, lui
répondis-je, il doit au contraire maintenir un certain niveau de réalisme s’il
veut vendre le reste de sa fiction qui elle n’existe pas (encore). Et la même
chose s’applique d’ailleurs, peu importe le genre, nous devons y retrouver des
points de repère concrets qui serviront d’assise afin d’accepter les éléments
improbables (magie, technologie très avancée, etc.).
Ça m’a quand même
ramenée à chercher dans mes lectures sur l’art d’écrire où je croyais avoir
déjà noté ce sujet. J’ai malheureusement fait chou blanc. Si je me souviens
bien, il pourrait s'agir d'Orson Scott Card dans son livre sur comment écrire
de la science-fiction et de la fantasy, mais je n’en suis pas certaine. Bref,
les propos dont je me rappelle soutenaient que l’écrivain en question, lorsqu’il
donnait des ateliers sur l’écriture à des étudiants, passait une portion du
temps à discuter en classe de la magie et de ses règles. En particulier, quel
est le coût de la magie? Ce cas spécifique visait à illustrer, entre autres, qu’on
peut bien inventer un monde à partir de rien, et de créer de toutes pièces ses
lois relatives à la science, à la physique ou à la magie, mais quelque part il
faut 1 - que le lecteur y retrouve des points de repère, et 2 - doser les
forces et les faiblesses de protagonistes et des antagonistes pour maintenir un
certain suspense.
Dans Star Trek par
exemple, pour les fans de la série, l’entité omnipotente « Q »
apparaît à l’occasion et sème le chaos parmi l’équipage discipliné des
vaisseaux de la Fédération qu’il affectionne. Il possède les pouvoirs d’un dieu
tout puissant, et en un claquement de doigts arrive à causer autant que réparer
tous les dégâts du monde. Mais voilà, bien qu’il s'avère divertissant et
mémorable, on ne peut le voir apparaître trop souvent, sinon ses interventions
deviendraient convenues. Le vaisseau est menacé par une horde de Cardassiens
qui veulent détruire toute la Fédération? Pas de problème, on appelle Q à la
rescousse et il les exterminera jusqu'au dernier! Non, ça minerait la
crédibilité de l’émission et enlèverait toute tension. On finirait par ne plus
croire aux difficultés de l’équipage en attendant l’intervention divine, le
Deus ex machina. C’est là toute la subtilité des règles et du coût de la magie
ou comme dans ce cas, de la technologie.
C’est pour cela, en
partie, que je crois que les auteurs ne devraient pas tout se permettre.devraient
D’autre part, il y a l’expérience du lecteur. Lorsque je lis (hypothétiquement,
hum) que quelqu’un, sur notre planète à notre époque, se retrouve en pleine
jungle et sort de son sac à dos un microscope électronique (qui soit dit en
passant est un truc énorme comme un local et qui nécessite une installation
sans vibration aucune, et que dire de l’électricité), et en un regard tire une
série de conclusions de l’analyse du sang d’une personne, je décroche, parce
que j'associe ces scènes à des incongruités. Si l’auteur ne sait pas cela, alors
il n’a pas fait son travail de recherche. Peut-être que beaucoup de lecteurs s’en
moqueront et ne feront que hausser les épaules, mais un tas d’autres s’en
offusqueront car ils reconnaîtront qu’on essaie de leur passer n’importe quoi. Il
relève de la responsabilité de l’auteur de vérifier la plausibilité de ses
scènes, et il me semble que ce n’est pas trop demander. En cas de doute, mieux
vaut rester vague, je préfère encore cela à lire des âneries
informations erronées.
Je concède que
quelques fois, l’auteur souhaite simplement abréger. Plutôt que d’expliquer que
l’on collecte des échantillons, les ramène au laboratoire, trois semaines plus
tard reçoit les résultats d’un spécialiste sonne encombrant. Mais je crois qu’il
y a moyen de trouver un juste équilibre, non?
Et vous, qu’est-ce que
vous en pensez?
Est-ce que ça aurait rapport avec ta lecture en cours? ;)
RépondreSupprimerTu me diras ce que tu en auras pensé, ça m'intéresse.
Sinon, je suis tout à fait d'accord avec tes constats. Je me plais souvent à dire que j'aime écrire de la science-fiction parce que je n'ai aucun compte à rendre à la réalité... mais j'en ai à rendre à la cohérence interne de mon univers.
@Pat : Tu as dit le mot magique : cohérence interne.
RépondreSupprimerLes nouvelles de Ted Chiang par exemple se moquent de la science actuelle : elles partent en prenant la science d'un moment donné de l'histoire comme départ et font de la SF (ou est-ce de la fantasy?) à partir de là. Ce qui nous donne une Tour de Babel qui touche vraiment au ciel, des Golems hébraïques, etc.
Et ça marche en tabarouette, parce que c'est cohérent. Les points de repère sont là.
T'as raison, Hélène, l'autre de SFF ne peut pas tout faire. Comme tu dis, le principal danger, sinon, deviens le Deus Ex Machina.
@Pat: Hey, t'as deviné! Oui j'en reparlerai, j'en aurais long à dire.
RépondreSupprimer@Gen: Je n'ai pas lu cet auteur mais en effet, on peut faire dire n'importe quoi à la SF ou à la fantasy, tant qu'il reste une cohérence quelque part à mon avis. Si ce n'est pas dans la science, dans les lois de la physique, alors au moins dans la psychologie des personnages, tant que c'est expliqué.
Voilà, c'est le mot qui m'est venu à l'esprit en lisant ton billet : C-O-H-É-R-E-N-C-E!!! Oui, on peut tout faire et tout dire... à condition de rendre le concept cohérent.
RépondreSupprimerIl y a un peu trop de monde sur cette planète qui croit qu'écrire de la SFFF, c'est facile et à la portée de tous... Grrr! ;)
@Isabelle: en effet, on balaie souvent le travail de l'auteur du revers de la main en disant qu'il peut inventer n'importe quoi, mais c'est loin d'être si simple! Il s'agit de s'y mettre pour s'en rendre compte. Et moi, les incohérences m'agacent!
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